
Molière, frontispice de Dom Juan
Savez-vous que Don Juan a eu une existence avant Molière ? En effet, construit de toutes pièces par le fameux Tirso de Molina qui voulait critiquer l’insouciance de la jeunesse et l’érosion des valeurs chrétiennes, il apparaît pour la première fois en 1630. Il n’est repris par Molière qu’en 1665. En effet, lors de cette réécriture le personnage connait des changements fondamentaux : Dom Juan n’est plus un violeur cynique mais un séducteur qui ne « consomme » pas ses conquêtes (selon l’expression de Bernard Franco), il est athée : « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit. » (Dom Juan, III, 1). Les réécritures se succèdent au fil des siècles.
1630 | Tirso de Molina, El burlador de Sevilla y conviviado de piedra, Le Trompeur de Séville et l’Invité de pierre |
1665 | Molière, Dom Juan ou le Festin de pierre / Dom Juan |
1677 | Thomas Corneille, Le festin de pierre |
1730 | Carlo Goldoni, Don Juan Tenorio ou le dissolu |
1787 | Lorenzo Da Ponte, Don Giovanni |
1814 | Ernst Theodor Amadeus HOFFMANN, Don Juan |
1830 | Balzac, L’Elixir de longue vie |
1830 | Alexandre Pouchkine, L’Invité de pierre |
1836 | Prosper Mérimée, Les Âmes du purgatoire |
1836 | Alexandre DUMAS, Don Juan de Maraña ou la chute d’un ange |
1844 | José Zorilla et Moral, Don Juan Tenorio |
1844 | Lenau, Don Juan |
1861 | Baudelaire, « Don Juan aux enfers », Les fleurs du Mal, Spleen et Idéal, XV ; « La fin de Don Juan » (projet de drame) |
Ce qui motive mon article est en fait la version du mythe proposée par George SAND dans Lélia. Ce roman introduit la notion de double-standard en ce qui concerne le jugement que l’on porte aux séductrices. En effet, l’auteure fait du personnage éponyme, Lélia, un double féminin de Don Juan. Quant à Sténio, il n’est non pas l’esclave de ses passions, mais de sa passion : sa passion pour Lélia. Il essaye en vain de vivre en Don Juan et d’oublier Lélia…avec la fin tragique que nous connaissons aux héros romantiques.